mardi 23 décembre 2008

NUIT DU 16 AOUT

Les fétus de ton cœur, braises de mots, font leur ronde de nuit,
Aux routes du plateau, valse et volète la voix de ton récit.
Houeydets au cimetière, village sombre et la maison d’ici
Repassera par là ; années d’enfance. La porte d’un ami,
Souvenirs d’Escala, les gens, les joies t’ouvrirent un logis.
Des routes dans le noir, mémoire émue, fausse chronologie.

Puissent un jour tes phrases cantilènes,
Puissent un jour
Faire tes confidences que je comprenne
Ton long parcours.

Et ta voix qui reprend, écoute, écoute, mes traverses de vie,
L’œuvre de mes parents, pauvre à bonheur, et leurs jours interdits.
Écoute ma parole et fière et forte, écoute, je te dis,
Les lacs d’Aventignan, journées de neige, les soirs des Baronnies,
Les cheminées d’usine, écoute, écoute ces temps ensevelis.

Saurai-je un jour, à voix brune et sereine,
Saurai-je un jour
De ta lunaire enfance chanter le thrène
Aux lents détours ?

Ma longue réclusion, jeunesse à peine, silence consenti.
Attraper des oiseaux, piège à chagrin. Je m’embrase d’envies.
La reconstruction lente, désir qui porte, puis la photographie.
Les soirs à la piscine, bleus de travail, et renaître aujourd’hui.
Que cesse la contrainte, j’ai voulu vivre, je suis venu d’ici.
Cette ronde de nuit pour te dire : ce noir est mon pays.

mardi 2 décembre 2008

LEXICALE FANTAISIE

Joue, petit Paco,
Joue le jeu dingo
Des mots inégaux
Dont rime l’écho.

Coq au vin et rococo,
Brocolis et coquelicots,
Colibris et noix de coco,
Bécots, corbeaux et bocaux.


Jouis, petite chipie,
Du mot qui vrombit,
Jouis de ce fourbi
De sons qu’on pépie.

Porc-épic et Kho-Phi-Phi,
Pipistrelle et okapi,
Pythonisse et dame-pipi,
Tapis, pitas et tipis.


Joue, petite Assa,
Sur un cha-cha-cha,
Le jeu d’entrechats
Des vers qu’on tressa.

Sapajous et samoussas,
Sassafras et harissa,
Salsifis, raspoutitsa,
Poussahs, sapins et salsas.


Joue, petit poulbot,
Au son du pipeau,
Guide le troupeau
Des mots du mambo.

Boniments et bonobos,
Bochimans, Carabobo,
Bord à bord et nelumbos,
Robots, bories et rabots.


Jouis, petite Olga,
Du jeu délicat
Où le lexique à
L’humour se ligua.

Gargarisme et seringa,
Galuchat et galanga,
Gagarine et alpaga,
Aghas, galas et légats.


Jouis, petite Suzy,
De la fatrasie
Des mots fantaisie,
Joue la poésie.

Gaspésie et agueusie,
Syzygie et Silésie,
Zizanie et peigne-zizi,
Sosies, ciseaux et zanzi.

LA PRETENTAINE

Les carrosses au bois vont,
Les calèches au bois viennent.
C'est la danse des barons,
Le quadrille des duègnes.
Les laquais sont bourguignons,
Les caméristes lorraines.
C'est Étienne ou Odilon,
Margoton ou bien Germaine,
Une blouse de coton,
Un tablier de futaine.
Au galop des canassons
Et d'une rosse bréhaigne,
Les carrosses au bois vont,
Les calèches au bois viennent.

On se balade en chanson,
En musique on se promène
Sur un solo d'hélicon,
Sur une joyeuse antienne.
Chante, danse, laridon,
Tourne et vire, marjolaine.
Les duègnes et les barons,
Les Bourguignons, les Lorraines,
Enchantés de l'occasion
Et ravis de cette aubaine,
Préfèrent le rigodon
À une valse de Vienne.
On se balade en chanson,
En musique on se promène.

Aux violettes le frisson,
À jonquille les fredaines.
On se fait déclaration
Dessous la feuille d’un chêne :
“ Que ton sourire est mignon ! ”
Dit à Marion Madeleine.
Lors la duègne lui répond :
“ Et toi tu n’es pas vilaine ! ”
Volez jupes et jupons
Quand s’embrassent les sirènes.
Madeleine et Marion
Aux bonnes mœurs contreviennent.
Aux violettes le frisson,
À jonquille les fredaines.

Jours d’avril à l’horizon,
Soirs de mai à perdre haleine.
“ Tu es fort joli garçon,
Dit Léon au bel Arsène.
Merci, reprend le baron,
Veux-tu que je t’appartienne ? ”
Adieu braies et caleçons,
Dans l’extase point de gêne.
Sur un tapis de gazon
Qui fleure bon la verveine,
Arsène et le grand Léon
À toute force s ‘étreignent.
Jours d’avril à l’horizon,
Soirs de mai à perdre haleine.

Quand vient d’amour la saison
Il arrive qu’on s’éprenne.
Ainsi les petits tendrons
Finissent au lit des reines
Et dessous les édredons,
Elles jouent croquemitaine.
Perle la sève aux bourgeons,
La rosée aux cyclamens.
Alors les tendres gitons
Épris de leur capitaine
Sautent à califourchon
Dedans l’ombre des persiennes.
Quand vient d’amour la saison
Il arrive qu’on s’éprenne.

DES GNONS

J’aime tes mains
Quand tu me tiens.
J’aime tes mains
Sur mes reins.
Aux instincts
Masculins
Souverains
J’appartiens.
J’aime tes mains
Quand tu me tiens.
J’aime tes mains
Sur mes reins.

Oh oui fous-moi des gnons !
Vas-y flanque-moi des beignes !
Des gnons et des châtaignes,
Des gnons et des horions,
Oh oui c’est ça qu’est bon !
Une vilaine mornifle,
Voilà qui m’ébouriffe !
Oh oui fous-moi des gnons !
Balance-moi une peignée,
Une danse, une avoinée !
Oh oui c’est ça qu’est bon,
Les ramponneaux, les gnons,
Les gnons et les horions !

J’aime tes pognes
Quand tu me cognes.
J’aime tes pognes
Sans vergogne.
La carogne
Qu’on pitrogne
Point ne grogne
À besogne
J’aime tes pognes
Quand tu me cognes.
J’aime tes pognes
Sans vergogne.


Oh oui fous-moi des gnons !
Vas-y flanque-moi des beignes !
Des gnons et des châtaignes,
Des gnons et des horions,
Oh oui c’est ça qu’est bon !
Une vilaine mandale
Et voilà que tu m’emballes !
Oh oui fous-moi des gnons !
Balance-moi une peignée,
Une danse, une avoinée !
Oh oui c’est ça qu’est bon,
Les ramponneaux, les gnons,
Les gnons et les horions !

J’aime tes pattes
Qui m’exploitent.
J’aime tes pattes
Ça me rend moite !
Que ne soit
Une ingrate
La frégate
Que tu lattes !
J’aime tes pattes
Qui m’exploitent.
J’aime tes pattes
Ça me rend moite !

Oh oui fous-moi des gnons !
Vas-y flanque-moi des beignes !
Des gnons et des châtaignes,
Des gnons et des horions,
Oh oui c’est ça qu’est bon !
Une vilaine torgnole
Et voilà que je décolle !
Oh oui fous-moi des gnons !
Balance-moi une peignée,
Une danse, une avoinée !
Oh oui c’est ça qu’est bon,
Les ramponneaux, les gnons,
Les gnons et les horions !

MATHILDA

Un soir de froid, un soir d’hiver au soleil clair,
Sur les trottoirs luisants et noirs de Buenos Aires
Tu promenais ton ambition de cinéma.
Affranchie de l’humiliant anonymat,
Tu te rêvais fière starlette dont les succès
Sur les ondes et sur les écrans toujours croissaient.

Et ce soir-là, tu rencontras le blond Victor
Tendre voyou au cœur sensible des quartiers nord.
Pour quelques mois, tu fis de lui un pur James Dean
Il vit en toi sa noble idole, sa Marilyn.
De tous les hommes, c’est le premier que tu connus,

Tu lui offris ta vie, ton âme, sans retenue.
Il te trompa, t’abandonna brutalement,
Tu conservas la nostalgie de ces moments
Entre ses bras, peau contre peau, dans son épaule
Lorsque deux corps mutuellement s’aiment et se frôlent.

Mathilda, Mathilda,
Chante, chante sans crainte
D’avoir à te méprendre
Les effusions tendres
De ton cœur, de ton ventre
Où la première empreinte
D’une amour se fonda.
Mathilda, Mathilda,
Chante, chante sans crainte.

Un soir de brise, un soir d’arômes exhalés
Par le printemps, lorsque s’enflamment les giroflées,
Tu promenais au long du golfe napolitain
L’avènement fragile encore et incertain
D’une carrière de comédienne de second ordre
Quand la passion vint impromptu en ton cœur mordre.

C’est ce soir-là que tu croisas le beau Carlo
Cheveux de jais, œil de velours et trémolo
De baryton. Son père était un producteur
De pellicule fort renommé, globe trotter
Cosmopolite des studios et des festivals.

Presque cinq ans, vous partageâtes sans nul scandale
Jours où sans cesse à l’un à l’autre on se dédie.
Mais c’est tentant pour une actrice la tragédie !
Par goût du jeu, tu séduisis son père aussi
Et d’Amalfi, vous fîtes voile vers Sainte-Lucie.

Mathilda, Mathilda,
Le chant de tes étreintes
Fit fondre l’or et l’ambre
Qu’un plaisir vient répandre
Au creux fervent des membres
Qu’une amour sans atteinte
Intimement souda.
Mathilda, Mathilda,
Le chant de tes étreintes.

Un soir de calme, soir de passion du Pacifique,
Tu promenais sur Mulholland ton euphorique
Et fier succès dans un coupé ivre de gloire,
Toi la vedette idolâtrée des écrans noirs.
Mais solitaire, déjà lassée de ces romances
Désabusée, tu ignorais la providence.

Or ce soir-là, elle t’amena le grand Nelson
Fils merveilleux d’une Havane que l’on bâillonne,
Un long athlète aux pieds véloces et au visage
De candeur fauve. Sitôt l’amour fut mis en cage
Et n’eut de cesse de vous unir plus tendrement.

Hélas, hélas, bien trop souvent, l’amour nous ment.
Et quand il crut lire en tes yeux la lassitude
D’un coup de foudre à son déclin, sa force rude
Jadis aimante se fit brutale. Il s’emporta
Et d’une lame féroce et dure, il te cribla.

Mathilda, Mathilda
Ta chanson s’est éteinte
Dans une sombre chambre,
Et ton sang vint s’épandre
Au lit de palissandre
Dont une amour défunte
Souille à jamais les draps.
Mathilda, Mathilda
Ta chanson s’est éteinte.

ROUDOUDOU ET TAGADA

Le soir quand je déprime,
Toute seule dedans mon home,
Un peu de vague à l’âme
Et le cœur qui s’embrume
De voir que nul ne m’aime,
Sans y prendre de plaisir,
Mais sans plus de remords,
J’avale à toute allure
Des calories en barre,
De pleines bonbonnières.

De la réglisse,
Du chocolat,
Des papillotes
Et des choupas.
Moi, voyez-vous,
Je suis roudoudou.
Moi, c’est comme ça,
Je suis tagada.



J’avoue, je me remplis,
Je me bourre le coco.
Sans jamais me rassasier,
Je m’éclate l’estomac.
Et quand il n’y en a plus,
Écœurée d’être grosse
Comme une contrebasse,
À peu que je ne vomisse,
Je me sens en détresse
Car j’en veux toujours plus.

Des caramels,
Des calissons,
Des pâtes de fruits
Et du touron.
Moi, voyez-vous,
Je suis roudoudou.
Moi, c’est comme ça,
Je suis tagada.



Abreuvée de glucose,
Gavée de friandises,
Enfin je suis obèse
Et je n’ai nulle excuse.
C’est vraiment pas l’extase :
Des complexes à la pelle
Me rongent et m’obnubilent.
Je n’ai pas le moral.
Alors foin des scrupules,
En bouffant, je me console.

Des pommes d’amour,
Des chamallows,
Des fruits confits,
Des berlingots.
Moi, voyez-vous,
Je suis roudoudou.
Moi, c’est comme ça,
Je suis tagada.


Depuis six mois maintenant,
À chacune son chacun,
Je vis avec un garçon
Svelte comme un mannequin.
Je suis son complément,
Sa belle un peu replète,
Dit-il à chaque minute.
Et quand il me mignote,
L’amour me rend béate,
Heureuse, j’ingurgite

Des sucres d’orge,
Des orangettes,
De la guimauve
Et des sucettes.
Moi, voyez-vous,
Je suis roudoudou.
Moi, c’est comme ça,
Je suis tagada.

BALLADE DES AMANTS PERDUS

C’est à Athènes ou à Hambourg
À Caracas, à Inverness,
Dans des jardins ou des faubourgs,
Des bars sans aveu ni promesse,
Des bouges où le désir s’abaisse,
C’est à Bangkok que j’ai connu
Ces gars dont j’aime la jeunesse.
Que sont mes amants devenus ?

Plaisir fugace ou fier amour,
Quête de chair ou de tendresse…
Je les ai pénétrés toujours,
Chéris parfois avec ivresse ;
J’ai souvent dormi sur leurs fesses
Et caressé leur ventre nu.
Je me souviens mais je ne sais ce
Que sont mes amants devenus.

Ils étaient noirs comme un tambour,
Ils étaient blonds comme à kermesse,
Ils étaient fins comme un labour,
Aussi menus que l’edelweiss
Ou aussi forts que la prouesse ;
Mais tous, ils m’avaient tous ému.
Je me demande avec tristesse ce
Que sont mes amants devenus.

Vous tous, mes amants, mes altesses,
Vous tous que mes bras ont tenus,
Est-ce qu’encor vous intéresse
Ce que je suis, moi, devenu ?

BALLADE DES SITUATIONS DE COMMUNICATION

"-Réponds, quelle heure est-il ?
Est -ce bientôt midi ?
-Pardon, qu'est-ce ? Plaît-il ?
-Je voulais qu'on me dît
L'heure juste pardi.
-Je n'entends rien, brave homme.
-Que les sourds soient maudits !"
Quel dialogue à la gomme !

"-Hurler me faudra-t-il ?
L'heure en vain je mendie.
-Hein, Du lait volatil ?
Quel arrangement, dis ?
-Cieux, quelle maladie !
-Dieu fait le mal à Tom ?
-Bougre d'idiot maudit !"
Quel dialogue à la gomme !

"-Enfin, rends-toi utile,
Dis-moi l'heure, étourdi.
-Je cueille un bleu pistil
En ce vert paradis.
-Oh quel salmigondis !
-Rejoue-moi ton péplum.
–Frappadingue maudit !"
Quel dialogue à la gomme !

Abstruse prosodie,
Le langage des hommes
N'est qu'une parodie
De dialogue à la gomme.

BALLADE DU SODOMITE IMPATIENT

"Oh ça ! Pédique-moi !
Viens donc me déflorer !
Pénètre, cher François,
Mon halitueux œillet.
Sache déverrouiller
Mon intime antichambre.
Force-moi le discret."
Quels mots doux à entendre !

"Ah ! Sodomise-moi !
Sois prompt à m'embrocher
L'orifice sournois.
François, viens me baiser.
Fiche en mon faux-connier
Ton titanesque membre.
Sus au petit guichet ! "
Quels mots doux à entendre !

"Vas-y, encule-moi
Sans plus me ménager !
Plante ton beau lourdois
Dans mon prose emmanché,
François, pour mieux niquer
Ma lucarne et répandre
Ton foutre surchauffé."
Quels mots doux à entendre !

Toi, mon zob, satisfais
Sans délai le cœur tendre
Qui t'a sollicité
De mots doux à entendre.

L'ARISTOLOCHE

On dit qu’y a des gosselines
Peu portées sur la chose
Qui ne jurent que par les roses.
Ça c’est une fleur pourprine
Flatteuse à la narine
Mais bien froide et morose.
Bref, c’est un bouton de rose.

Mais la fleur dont je m’entiche,
Moi, c’est l’aristoloche
Car ses couleurs m’aguichent !
Ça c’est une fleur pas moche.
Ça c’est l’aristoloche !

On dit qu’y a des greluches
Fort coquettes et discrètes
Qu’en pincent pour la violette.
C’est fleur de fanfreluche
Qui dans les bois s’embûche
Mais ne vaut pas tripette.
Bref, ça c’est la violette.

Mais la fleur dont je m’entiche
Moi, c’est l’aristoloche
Qu’est pas pour les godiches !
Ça c’est une fleur pas moche.
Ça c’est l’aristoloche !

On dit qu’y a des mistonnes
De Vénus favorites
Qui kiffent la marguerite.
Ça c’est une fleur friponne
Qu’effeuillent les mignonnes
Mais au cœur rien ne palpite.
Bref, c’est la marguerite.

Moi, la fleur dont je m’entiche,
Moi qu’aime tant les gavroches
Qu’ont pas un sou en poche
Ah ! c’est une fleur pas moche.
Oui, c’est l’aristoloche !
Ça c’est une fleur de riche,
Une fleur qui sent l’artiche,
Des aristos le fétiche !
Ça c’est une fleur pas moche.
Ça c’est l’aristoloche !

BALLADE DES HELLEBORES

Blanche fleur qui reposes
Sur un clin de lumière
Où la nacre compose
Ton pâle éclat de mer,
Tu ourdis et espères
La promesse d'éclore.
Demain dans ce parterre,
Fleurira l'hellébore.

Humble avènement rose
Aux pétales austères
Qu'une ombre mate arrose
De grêles et d'hivers,
Sous un bois tu te terres
Quand un lichen s'endort.
C'est ce matin -mystère... -
­Que fleurit l'hellébore.

Une noire ecchymose
Que les gelées talèrent
À ta corolle appose
Ses reliefs de chimères
Et teintes délétères.
Un ténébreux essor
Végétal a dès hier
Fait fleurir l'hellébore.

Forêts, sous vos lisières,
Sans cesse s'élabore
La provende des cerfs :
C'est la fleur d'hellébore.

DIZAIN DE ROBERT

Regardez-le de face, on dirait Robinson ;
Envisagé de dos, c'est le roi Dagobert.
Par devant, il a tout d'un robuste garçon,
Tandis qu'il semble encore, par derrière, impubère.
Il a, en commençant, du robinet le son,
Mais il s'achève à l'ouïe en bruit de réverbère.
Sa tête de robot a curieuse façon,
Et davantage encore sa queue de camembert.
Devinez-vous le nom dont, sans un doux frisson,
Les accords sur ma lèvre jamais ne succombèrent?

J'AI ZU

J'ai cru, j'ai cru quelquefois voir
Des rois, ocres, têtus et fauves
Parader sous les ostensoirs
D'un menu tilleul de guimauve.

J'ai pu, pu maintes fois sentir
En ses circonvolutions vierges
L'effluve bleu des cents martyrs
Qui d'ablutions vaines s'aspergent.

J'ai su, j'ai su parfois comprendre
- Ô la tendre et suave confesse ! –
­Qu'aux échelles des dieux la cendre
Est bourbe et grave chanoinesse.

J'ai dû, oui, j'ai dû autrefois
Déduire des faux frais de foire
L'historique frêne vaudois
De la fourbe Didon des douars.

J'ai lu, lu à n'en pouvoir mais
Les glabres manuscrits du ciel
Qu'en son verbiage libre émet
Le sabre attifé de soleil.


J'ai bu, bu tant et tant de fois
Aux bancs de l'arrière-saison
De vertigineux et sournois
Produits noirs de décuvaison.

J'ai vu, souventes fois revu
Le glorieux méat de velours
Dont le sanglot sapide et cru
Orne le gland des troubadours.

Mais combien de fois ai-je tu
- Et ce fut bien obstinément­ -
Le seul et vrai chagrin qu'ait eu
Mon cœur en ses âpres tourments?

LE BONHEUR DU MALE

C’est un trou de verdure où chante une cascade
Accrochant chaudement aux feuilles des pétales
De buée, où le soleil du mont Pelé gambade.
C’est un creux d’écrevisses aux moiteurs tropicales.

Un soldat jeune, ceinture ouverte et pantalon
Déboutonné, le cou sur un rocher moussu,
Se repose innocent sous les hibiscus blonds,
Mulâtre en son lit vert, activant sa massue.

Les brodequins dans l’herbe, il gémit et soupire,
Comme un enfant qui rêve, se caresse à loisir.
Amour, de tes baisers, il a besoin sans doute.

Radieux, il s’abandonne à un plaisir bénin ;
Sous le soleil qui darde, il cajole à la main
Sa bite. Il a versé quatre perles de foutre.

CHANSON DE LEUR PINE

J'aime sucer des queues
De matelots crasseux,
D'ouvriers miséreux
Et de truands teigneux.

J'aime pomper des dards
De petits savoyards,
De rustiques bâtards
Et de rudes bagnards.

J'aime avaler les pines
Des joueurs de mandoline,
Des fils de Palestine
Et des gars de Médine.

J'aime bouffer les zobs
De mon pote Jacob
Et de son frère Job
Ravis qu'on le leur gobe.

J'aime aussi qu'on m'encule
En pleine canicule
Et que l'on m'éjacule
Au fond du vestibule.

LE CALIBRE CHARMANT

Si vous voyiez, Messieurs, le vit de mon amant
Vous iriez épanchant par tous vos orifices
Une mouille profuse, émolliente cyprine
Propre à lubrifier par son intime onction
Les lieux de vos désirs. Car sachez-le sa pine
Lorsqu'elle est en repos atteint la proportion,
Alléchante à mon goût, d'une belle aubergine.
C'est assez suggérer du zob qu'avec délices
Il inflige à mon fion le calibre charmant.

LE VIT DE BUCEPHALE

Un Congolais nommé Nelson me sert de mâle.
Ce que j'adore en lui, c'est son énorme trique
Qui a la couleur dense des ébènes d'Afrique
Et une proportion foutrement idéale.

Son zob a l'épaisseur du vit de Bucéphale,
Ses couilles la lourdeur des granits d'Armorique,
Le volume fastueux des glaouis de bourrique,
Une senteur hircine, enivrante et vitale.

Le gland de mon amant cette drupe massive,
Ténébreuse, charnue, juteuse et sensitive,
Est monté sur un manche dont la roide vigueur

Sans nul tressaillement, jamais ne se dément,
Et dont, l'ayant graissé dans toute sa longueur,
Il gave abondamment mon trou du cul gourmand.

BALLADE D'AVRIL AUX TUILERIES

Quand un regain d'amour vous point au creux des reins,
Et que le jour permet de s'aller promener
Au jardin merveilleux où les garçons, sereins,
Arpentent les allées parmi de vieux poneys
Pour rencontrer peut-être un joli blondinet
Ou quelque amant plus mûr dont l’œil bleu leur sourie,
Ô, par amour pour eux, allez-vous en flâner
Par une après-midi d'avril aux Tuileries.

Et vous y trouverez le joyeux Séverin,
Le mitron des Abbesses, Alain le raffiné
Aux façons de gonzesse, Ursule le marin
Qui a vu Bornéo, tant et tant de minets
Au museau si charmant que, l’œil aiguillonné,
Le trousseau en folie et la lippe ahurie,
Vous les voudriez tous à la fois câliner,
Par une après-midi d'avril aux Tuileries.

Sous un tilleul en fleurs, au coin d'un boulingrin,
D'un regard aiguisé, bientôt vous discernez
Un adonis rêveur, flexueux athlète brun
À la bouche charnue, rondement dessinée.
Lorsque vous proposez chez vous de l'emmener,
Il acquiesce du chef, non sans galanterie.
Vous l'entraînez alors et vous abandonnez
Par une après-midi d'avril les Tuileries.

Puis, quand vous vous serez de tendresse échinés,
Et l'un l'autre salués, d'amour la pénurie
Vous renverra bien vite un amant braconner
Par une après-midi d'avril aux Tuileries.

BALLADE DES BACKROOMS

Comment te remercier,
Toi le gentil Michou,
Qui, d'un coquin courrier,
Me fis battre le pouls
Pour des plaisirs très doux
Et vins porter chez moi
La liste des lieux où
L'on baise et puis l'on boit?

Je te veux gratifier
En disant sans tabou
Comment samedi dernier
Je fis sucer mon bout
Par un charmant voyou
Au provocant minois
Dans un de ces bars où
L'on baise et puis l'on boit.

J'ai bien fort apprécié
D'aller tirer un coup,
Plaisir simple et léger
Par lequel, peu ou prou,
Un homme en rut déjoue
D'Onan les tristes joies,
Lorsqu'il se rend là où
L'on baise et puis l'on boit.

Ô Michel, je l'avoue,
C’est vraiment grâce à toi
Qu'enfin de tout mon saoul
Je baise et puis je bois.

BALLADE HADRIENNE

Toi, le joli Romain qui m'as sur ta Vespa
Fait traverser la Ville, allegro ma troppo,
Raillant ma blême peur que tu ne freines pas,
Pour éviter le choc, au moment où il faut,
Toi, l'adorable fou qui du parc du Pincio
Me menas en riant au Circus Maximus
Sans t'arrêter aux feux, toi, mon joli Mirko,
Prends-moi pour Hadrien, sois mon Antinoüs.

Toi, le charmant garçon, à peine homme, qui m'as
Ravi par la fraîcheur imberbe de ta peau
Et dont l’œil malicieux et blond m'enthousiasma
Autant que la silhouette élancée, sans défaut,
Toi, le gracieux gamin dont le rire arrache au
Cœur d'un sombre insensible un peu d'amour en plus
Pour tes lèvres ourlées, toi, mon charmant Mirko,
Prends-moi pour Hadrien, sois mon Antinoüs.

Toi, le bouillant amant qui ton corps me donnas
En sa fleur impollue, avec tout l'à propos
D'un midi de printemps villa Hadriana,
À l'heure où nul baiser jamais ne sonne faux,
Toi, le tendre puceau qui d'emblée mis au chaud
Le meilleur de moi-même au fond de... mais, motus,
Demeurons allusif, toi, mon bouillant Mirko,
Prends-moi pour Hadrien, sois mon Antinoüs.

Te quittant, je fais vœu, car ton futur me chaut,
Que tu vives toujours, in naturalibus,
Heureux et adoré. Mémorable Mirko,
Souviens-toi d'Hadrien, reste un Antinoüs.

BALLADE DES GALBES

Le timide Firas aux beaux yeux d'anthracite
Naquit en Jordanie voilà bientôt vingt ans.
Sa peau de velours brun et sa grâce hachémite
Suscitent mon émoi et mes vœux impatients.
Hélas, il n'ose avouer par des mots indécents
Son désir d'être enfin par mon désir vaincu.
Aussi s'allonge-t-il sur son ventre innocent
Pour mieux faire saillir le galbe de son cul.

Le souriant Antoine, chasseur alpin d'élite
Au long corps souple et blanc, va sur ses vingt-cinq ans.
Son uniforme ôté, du fond de sa guérite,
Il provoque par jeu mes instincts insolents.
En un souffle il m'invite à prendre sur-le-champ
La fleur de son sillon à la blondeur d'écu.
Pour me convaincre enfin, il se penche en avant
Faisant ainsi saillir le galbe de son cul.

Le vigoureux Martin au thorax de granite,
À l’œil de prédateur, aura bientôt trente ans.
Il rase tout son corps de spartiate hoplite
D'une lame au clair fil dont mon regard s'éprend.
"Oh! J'aime qu'on inflige un membre intransigeant
À mon imberbe fion," me dit-il convaincu.
Il se met à genoux, se cambre et puis se tend
Pour faire mieux saillir le galbe de son cul.

Noble et digne amateur de plaisir sodomite
En la croupe de qui Éros a survécu,
Pour qu'un sexe sans cesse à tes fesses s'excite,
Sache faire saillir le galbe de ton cul.

BALLADE DE CHRISTOPHE ET GREGORY

Le modelé de l'un est en tous points parfait ;
L'anatomie de l'autre ne le cède en beauté
Qu'aux idéaux kouroï que Praxitèle a faits.
Le torse du premier, on le dirait sculpté
Dans un marbre de lait aux veinules bleutées ;
Le fessier du second cambre comme à loisir
Ses éminences brunes, aux versants veloutés.
Christophe ou Grégory, lequel vais-je choisir ?

Quand celui-ci m'embrasse, oh, ce m'est un bienfait,
C'est en un doux baiser tout de sobriété ;
Quand celui-là, mutin, se prend à dégrafer
Son slip imperceptible avec lasciveté,
Je sens à ses regards tous mes sens s'exalter.
Tendresse retenue d'une bouche à saisir,
Ou franche aguicherie coquine et concertée,
Christophe ou Grégory, lequel puis-je choisir ?

L'un souhaiterait être à l’échalote empaffé ;
L'autre aime à se sentir l'œillet galipoté.
Par le trou de son cul, chacun se satisfait.
Lui veut qu'en son pertuis amplement dilaté
Mon vaste et copieux manche aille à fond se planter ;
Lui préfère en cadence exaucer son plaisir,
Se faire avec vigueur et rage culbuter.
Christophe ou Grégory, lequel dois-je choisir ?

Garçons qui me voyez devant vous hésiter,
Vous faites fluctuer mon plus tendre désir
Qui trouve sa nuance en vos diversités :
Christophe ou Grégory, je ne peux pas choisir.

BALLADE DES AUTRES AMOURS

Hommes aux femmes consacrés
Dont les plaisirs au fil des ans,
Faute d'être renouvelés,
Deviennent bientôt redondants,
Goûtez, s'il en est encor temps,
À la chair tendre des garçons
Dont l'attrait point ne se dément.
Ah ! Les jolies fesses qu'ils ont !

Les pastoureaux du Dauphiné
Et les chevriers bigourdans,
Les valets de ferme ardennais
Comme les moissonneurs normands
Cachent dessous leur vêtement
De souples et petits culs ronds,
Couverts d'un doux duvet charmant,
Ah ! Les jolies fesses qu'ils ont !

Les palefreniers camarguais
Et les jeunes bouviers flamands,
Les vendangeurs du Bordelais
Et les bûcherons mosellans
Savent s'offrir à leurs amants
En de si diverses façons
Qu'on les trouve toujours bandants.
Ah ! Les jolies fesses qu'ils ont !

Hommes, sans plus d'atermoiements,
Enlevez-leur le caleçon,
Savourez donc, c'est épatant.
Ah ! ... Les jolies fesses qu'ils ont !

SONNET DES CHIBRES

Moi je n'aime rien tant qu'un sexe qu'on dénude.
Je ne dédaigne point les vigoureux engins
Que m'offrent au désert d'appétissants Bédouins.
Quant aux zobs circoncis des lecteurs du Talmud

J'en goûte la saveur ainsi que l'amplitude.
Le chibre percutant d'un artilleur prussien
Aux désirs impatients est l'objet de mon soin.
Qu'un Ouzbek à moustache au poitrail large et rude

Vienne à m'offrir son manche et j'en fais mon affaire.
Je pris bien du plaisir à engloutir hier
Le paf tiède et noir d'un géant malabar

Et d'un prince mongol le torride phallus.
Et vous, mâles du Pôle et de Madagascar,
Que ne venez-vous çà me colmater l'anus?

VIVE L'HUMIDE ET LE POILU! *

Vive l’humide et le poilu !
Le nègre s’est assis sur la plus haute branche d’un pommier.
La force de son ventre, le besoin d’absolu.
Albatros monacal aux orgues de basalte, le besoin d’absolu.
Servante infatuée qui convoites si bas la force de son ventre,
Et folle carmélite à ton lingot aride,
La force de son ventre et besoin d’absolu.


Vive l’humide et le poilu !
Le nègre s’est assis et mes paumes roulant la pâtisserie des fesses
Par le ventre où frise une barbe.
Le moteur tourne en idée fixe.Raison raison et patatras.
En chemin vers le Pacifixe,
Les iris et les digitales.Quand donc sera le pays des phénix
Par le ventre où frise la barbe ?
Ah plus d’un hospodar a élu mon phalzar
Entre deux draps d’eau torrentielle !

Vive l’humide et le poilu !
Le sperme de Saint-Louis chaque jour coule à flots
Dans les poils du Matto-Grosse.
En buvant le vin des tonneaux,
Le nègre s’est assis dans les paillasses de Bourgogne
Et de Basse-Bretagne.
Il est bien vieux mais qu’il est beau !
Mon dieu qu’il est beau, l’homme blessé par son membre !
J’en ai plein l’œuf de commenter l’ovaire
Un sexe sous les eaux !
Vive l’humide et le poilu !

* Ce texte est un centon composé à partir de membres de vers empruntés à quelques poètes contemporains dont j’ai, hélas, perdu la trace.

BALLADE DU STADE DES MARBRES

Au printemps, l’an passé, lors d’un voyage à Rome,
Un jour, je m’égarai dans un faubourg lointain
Où du Stade des Marbres je découvris les hommes
Sculpturaux qu’engendra le sol ultramontain.
Chacun représentait de son pays latin
Une ville ou contrée. Le superbe alpiniste
De Bergame venu exhiber au touriste
Ses somptueux pectoraux et sa mèche rebelle
Regardait magnifique en direction du ciel.
Les bras audacieux du marcheur de Novare
Aux rondes génitoires semblaient battre l’appel
Des mâles et martiaux athlètes de carrare.

Hélas, j’appris bientôt que l’art de ce forum
Était mussolinien bien plus que libertin
Et que la dictature avec ce décorum
Illustrait les valeurs d’un état puritain.
Du plongeur de Pola aux cuisses de satin
À soutenir le cul un épaulard persiste.
D’Ascoli Piceno le brutal pugiliste
Dont le roide abdomen de muscles se cisèle
Cache en son short étroit un zob exceptionnel.
Le marcheur de Turin défile au pas du jars
Dont le rythme viril entraîne le cheptel
Des mâles et martiaux athlètes de carrare.

Est-ce que l’art fasciste emprunte de Sodome
Les goûts et l’esthétique par un hasard mutin,
Ou serait-ce que nous, qui trop amateurs sommes
Des charmes masculins, en frivoles catins,
Cédons à qui mieux flatte au plus bas nos instincts ?
Faudra-t-il renoncer au rogue duelliste
D’origine inconnue qui, sous toge en batiste,
De fermes braquemarts exhibe deux modèles,
Au beau lanceur ligure dont pubis et aisselles
Sont avec soin rasés ? Faut-il mettre au rancart
Du marin de Venise la cambrure sensuelle,
Les mâles et martiaux athlètes de carrare ?

Vous, mâles agressifs, pantins artificiels,
Sachez que la tendresse à l’homme est naturelle.
Mais ensemble chantons de Buttini la gloire,
Le sculpteur talentueux bien que très officiel
Des mâles et martiaux athlètes de carrare.

TITHONOS

Les plages abîmées par un soleil sans liesse
Époumonent leur sable aux rides du meltem,
L'immobilité fière en sa claire détresse
Ronge, érode un rivage où le silence essaime ;

Et d’un bout de la grève jusqu’à l’autre horizon,
Il n'y a qu'une mer, en son vignoble éparse,
Une mer que font taire des siècles de raison,
Ivres de tragédies qui se perdent en farces.

L’ombre des nues navigue, rachitique et noueuse,
Sous la griffe abusée de quelques yeuses mortes
Quand l'après-midi tend les cordes impérieuses
De son vain violoncelle que la lumière exhorte.

Alors c'est la cigale qui gratte ses arpèges
Aux élytres têtus que la chaleur lacère
Dans les branches aveugles du même chêne-liège
Que celui où les dieux me métamorphosèrent.

Le pouvoir de mon nom irradie bien encore
Les stridences amères de ce que fut jadis
La vertu de mon âme éprise d'une Aurore,
Mais qui reconnaîtra 1’ animal préjudice

Qu’à mon humanité, ce tant noble attribut,
Fit le vœu de ma femme ? O vous divinités
Qui voulûtes naguère me jeter au rebut,
Délivrez Tithonos, ayez-le en pitié,

Il vous en saura gré et cessera le jour
De chanter sa rengaine récurrente et lassante
Qui freine le soleil en son zénithal tour
Et exténue les heures que son feu ébouillante.

EXPERIENCES AVORTEES

J'ai vu des lampions tors accrochés aux guimbardes
Égrotantes et flasques d'un cœur en dilution,
J'ai senti quelque part braire des ovations
D'œstrogènes fantasques quand la vie se hasarde.

Au terrier de ma ville, a germé la renarde,
La plus chaude catin que nous y connaissions,
L'idiote faite fleur, emblème d'ignition ;
J'ai reconnu ses verts pétales de bâtarde.

Et j'ai parfois pensé aux poignards émoussés
Que l'ombre des vestales parviendrait à casser
Si nos désirs infâmes manquaient de vigilance.

Mais ni la brève lune, ni le pampre céleste,
Ni le cinglant grillon ajustant l'anapeste
Ne m'ont jamais fait voir l'aurore d'une chance.

CHAIRS AMEUTEES

Les balcons éclairés résolvaient leur bien-être
En larmes de métal au monde qui va naître.
Les heures de la nuit aux peurs sourdes-amères,
Tissées de bleus frissons, ne songeaient plus qu'à taire

Les cris hypothétiques des victimes sacrées
Que les macérations au corps infligées créent
Quand le massacre vain met sa frigidité
De flamme lacérée dans des chairs ameutées.

La ville au visiteur exhibait ses misères :
Scrofules gueux, plaies arrogantes, et pleutres glaires,
Pour y dissimuler la jouissance des crimes
Qu'en abois gutturaux le plaisir mat exprime.

Là des corps perpétraient leurs noirs attouchements
De tendresse et de vice sur d'autres corps amants
Dont l'ombre rutilante, au cri d'acier des tôles,
Dans le givre qui vrille, voilait la pure épaule.

SERREES HALLES

Le grain d'orge fécond dans les greniers dodus
Sentait confusément approcher la misère,
Et l'avoine prospère au fond de la resserre
Faisait un cauchemar plein d'entrepôts perdus.

Sur ce simple soupçon, dès que l'inquiétude eut
Fiché son étendard triomphal et austère
Dans l'économe cœur où Cérès a sa terre,
Un chacun s’alarma de crainte qu’on ne dût

Céder aux restrictions d'une stricte disette,
Aux drastiques sanctions d'une astreignante diète.
La peur de la famine est à ces céréales

Archiconsubstantielle et toute pénurie
Suscite leur fureur et farouche furie.
Leur grain se plaît blotti en d’archiserrées halles.

LE FAUX MARIN DU COEUR

Les songes et les vœux quand on s'est souvenu
De l'amour insensé, quoique trop tôt venu,
De ceux qui n'ont parlé qu'à regret de misère
Quand se désincarnait dans leur dos la matière ;

Les songes et les vœux d'une mer accourue
Restituer le rivage à la vierge apparue
A la vierge discrète et peut-être complice
De ces hautes violences où le plaisir s'immisce ;

Les songes et les vœux aussi larges qu'un monde
Que ne clorent jamais les noirs chemins de ronde
Où parfois s'aventurent les trompettes altiers
Fouettés au son du cuivre et les chevaux entiers ;

Les songes et les vœux, les songes élevés
Laissant geler les vœux, le sais-je, ont achevé
L'aveu que venge l'onde en son égard malin
Pour le garçon de grâce auquel l'aube se plaint

De n'avoir encor pu caresser ses purs lombes
Où viennent dormir ceux auxquels le soir incombe,
Qui savent les vertus d'un oreiller qu'incline
La respiration brune d'une peau sibylline.

Les songes et les voeux, marin, de ta pure âme,
Qu'aux désertions du cœur ton sexe lourd condamne,
N'ont jamais satisfait l'insatiable mensonge
Que tu forges sans rompre et que le remords ronge.

LE NAGEUR NU

La vague réfractée sur l'impavide écu
Du fier thorax et plein, par un soleil vaincu,
Égaille ses sagaies jaillissantes de sel
En un tir d'or tendu, quand répond à l'appel
De l'immuable flux et des mobiles flots
Flagellants et glacés, un corps qu'on jette à l'eau.

Le nageur que gênaient le jaune engin du ciel
Ses dards et ses rets d'or, ardents, durs et cruels,
Résolvant en sueur la chair prompte des bras
Et brunissant le ventre au halètement plat,
Cède à la tentation sourde, latente et sage
D'une fraîcheur acide à l'écumeux ramage.

BALLADE ET PRIERE A MICHEL

Toi l’élégant, toi le grand nègre ultramarin,
Toi mon fier filao qu’un souffle fou fait liane,
Toi mon quimboiseur fauve aux yeux de large écrin,
Aux fastueux gisements que cambre une Guyane,
Mon intime lambi à la nacre océane,
Toi dont le ventre calme, anse d’odeurs suprêmes,
Sous mon étreinte exhale la fleur de frangipane,
Pourquoi donc as-tu peur d’aimer et que l’on t’aime ?

Oh, fugitivement, l’espace d’un serein,
Tu semblas agréer le don de ton arcane,
De la végétation fusible de tes reins
Au plaisir que partagent des fiancés profanes.
Puis tu te refusas et fis cesser la glane
De tes lèvres complices. Tu m’imposas carême
En saison de vendanges. Le bonheur mis en panne.
Pourquoi donc eus-tu peur de m’aimer, que je t’aime ?

Dépouillé de ta peau, de son teint, de son grain,
Des parfums qu’à ton cou une caresse émane,
Privé, sevré, frustré, à l’abstinence astreint,
Je quête, je m’inquiète et toute joie se fane
Quand un ferme renvoi au tourment me condamne.
Lors j’erre et je me perds sans plus comprendre même
- Énigme lancinante où s’abîme mon crâne –
Pourquoi tu crains si fort d’aimer et que je t’aime.

Mon prince fabuleux, ange de la Savane,
Reçois d’un cœur sensible les mots de mon poème,
Accepte ma tendresse : un doux présage y plane.
Consens, Michel, consens à aimer que je t’aime.

BALLADE D'ETE POUR MAURICE

Ces nuits d'ivre lumière où tu venais, Maurice,
Quand l'été sur les toits installait sa chaleur
Flambant les rues fardées de poudre d'artifice,
Confier à mes doigts nus le relief de nageur
De ton corps au repos noué dans sa vigueur,
Où j'arrimais ma bouche à tes lèvres épaisses,
Je voyais en dormant la traînée de lueurs
Du métro qui entrait à la station Barbès.

Ces nuits de torpeur mate où c'est à toi, Maurice,
Que je téléphonais, quand en ses noires heures
Un été haletant s'accrochait au solstice,
Pour savoir si ce soir dans ton regard rieur
Tu me laisserais lire un espoir de bonheur,
En dormant contre toi, ma main tenant tes fesses,
J'entendais incertain le métal en rumeur
Du métro qui entrait à la station Barbès.

Ces nuits de ciel brûlé où tu restais, Maurice,
Absent, bien loin de moi, quand, sombre enlumineur,
Le soir d'été peignait sa voûte de réglisse
Épinglée d'or criblé, où, fébrile veilleur,
J’attendais insomniaque et les aguets au cœur
Peut-être ta venue, ou même tes caresses,
Je sentais sur leurs rails vibrer les roues en pleurs
Du métro qui entrait à la station Barbès.

Maurice m'a quitté, j'en garde la douleur
Et la mémoire à vif d'un éclat de tendresse ;
Je ne vois, n'entends rien, je ne sais plus d'ailleurs
Si le métro s'arrête à la station Barbès.

BALLADE DE MES SAISONS D'ETUDE

Combien d'après-midi d'automne et de marrons
Ai-je alors arpenté, silhouette solitaire,
Les allées du Sénat, les rues du Panthéon ?
De Sainte-Geneviève ayant fait le repaire
De mon initiation au plaisir littéraire,
J'y découvrais l'émoi des œuvres qu'on savoure.
Jadis la ligne B m'ouvrait des univers
Lorsque son terminus était au Luxembourg.

Combien d'après-midi d'hiver et de glaçons
Ai-je alors admiré dans ses cristaux de verre
La fontaine arrêtée dans sa fixe explosion ?
La vitrine électrique et pâle des libraires
- Était-ce chez Nizet, chez Corti son confrère ? –
­Souvent réverbérait mon curieux faux jour.
Les wagons m'amenaient au seuil de leurs resserres
Lorsque leur terminus était au Luxembourg.

Combien d'après-midi de printemps en bourgeons
Ai-je alors parcouru les galeries austères
D'une Sorbonne sage et grise en son renom ?
Des maîtres éclairés en ce lieu m'enseignèrent
Aussi bien le Verlaine à la métrique impaire
Que des rhéteurs chrétiens le mystique discours.
J'allais cueillir en train leurs gloses frugifères
Lorsque le terminus était au Luxembourg.

Vous tous m'avez transmis par votre magistère
Le goût d'un vif savoir aux capricieux parcours
Qui toujours me conduit ; pourtant le R.E.R.N'a plus son terminus station du Luxembourg.

Et moi, et moi, et moi!

Ma photo
Paris, Ile-de-France, France
Aède érotomane, mélancolique et blagueur.

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