mardi 26 janvier 2010

CHOIX DE POEMES TRADUITS DU LIVRE XII DE L'ANTHOLOGIE PALATINE couramment appelée LA MUSE PEDERASTIQUE DE STRATON DE SARDES

I
Commençons avec Zeus, comme Aratos l'exige.
Ô Muses, aujourd'hui, je vous laisse en repos.
Car j'aime les garçons certes et j'en ai commerce,
Mais qu'importe cela aux Muses d'Hélicon?
Straton de Sardes


IV
Je jouis avec délices de ses douze printemps ;
Un garçon de treize ans est bien plus désirable ;
Deux fois sept ans, c'est la douce fleur des Amours ;
A l'aube des trois lustres, un gars est fort charmant ;
A seize, il est divin ; je ne recherche pas
L'éphèbe de dix-sept, il n'appartient qu'à Zeus.
En désirer un plus mûr, ce n'est plus du jeu :
C'est souhaiter déjà qu'il ait du répondant!
Straton de Sardes

VII
Les filles n'offrent pas de trou bien ajusté,
Ni un sobre baiser ; leurs parfums sont factices
Et fourbes leurs regards ; point de babil charmant
Ou lascif. Et c'est pire quand elles sont expertes.
Leur derrière est frigide, mais il y a plus grave :
Elles n'offrent nulle prise à la main vagabonde.
Straton de Sardes

VIII
Je passais à l'instant près d'un marché aux fleurs
Quand je vis un garçon tresser roses et grappes.
J'en fus ému, mais placide lui demandai :
"Combien vends-tu ta fleur?" Tel la rose il rougit
Et répondit, baissant les yeux : "Vite, va-t'en!
Si père te voyait!" J'achetai des bouquets,
Pur prétexte, car chez moi, j'en décorai les dieux
Priant pour qu'ils m'obtiennent les faveurs du garçon.
Straton de Sardes

X
Quoique un rare duvet de poils blonds et bouclés
Envahisse les joues tendres de mon amant,
Je ne le quitte pas. Barbe et pilosité
N'empêcheront point que ses beautés m'appartiennnent.
Straton de Sardes

XIII
Hier j'ai pris sur le fait deux glabres médecins
Qui se massaient l'un lautre l'organe de l'amour
Pour calmer sa brûlure. "Motus!" me dirent-ils.
Je leur dis : "Je me tais... Prodiguez-moi vos soins!"
Straton de Sardes

XXII
Ce m'est une souffrance, une épreuve, un bûcher!
Ilissos en arrive à l'âge des amours
- Seize ans c'est idéal - doué de toutes les grâces
D'ensemble et de détail : une voix melliflue,
Des lèvres engageantes et une intimité...
Exquise à posséder. Mais moi je n'en aurai
Que le plaisir de l'oeil, et souvent insomniaque
Combattrai à la main cette passion fantôme!
Scythinos

XXV
Quand Polémon partit, je priai Apollon
De me le rendre indemne et lui promis un coq.
C'est la barbe au menton que Polémon revint.
Et il m'a fui, Phoïbos, sans nul ménagement!
Tu n'auras point ton coq. Garde ton boniment!
Chaume tu m'as rendu ce qui fut tendre épi.
Statyllius Flaccus

XXIX
Protarque est beau, il se refuse. Il dira oui
Un autre jour. Mais la jeunesse passe le flambeau.
Alcée

XXXIII
Héraclite était beau ; mais pubère à présent,
Son pelage rabroue qui le monte à revers.
Fils de Polyxenos, ne fais pas le faraud :
Ton cul même est atteint d'un revers de fortune!
Méléagre

XXXIV
Hier au soir je dînais avec Démétrios
Le maître-gymnaste, ô le plus heureux des hommes :
Un garçon sur son sein, un autre sur l'épaule,
Deux autres lui servaient le boire et le manger.
Le séduisant quatuor! Badin, je demandai :
"Enseignes-tu, mon cher, la gym même en nocturne?"
Automédon

XXXVII
Le malveillant Eros par malice a doté
D'un moelleux fessier l'Amphipolitain Sosarche
Afin d'exciter Zeus. Ses cuisses en effet
Surpassent en douceur celles de Ganymède.
Dioscoride

XLI
Théron n'est plus si beau. L'éclat d'Apollodote
S'est désormais terni. Je veux aimer les femmes.
Laissons les chevriers, ces emmancheurs de biques,
Etreindre des ribauds poilus de la rondelle!
Méléagre

XLIV
Jadis des osselets, une caille, un ballon
Conquéraient les garçons amateurs de présents.
Il leur faut désormais un dîner, des espèces ;
Les jouets ne valent rien! Amant, cherche autre chose!
Glaucos

XLVI
J'ai vingt-deux ans à peine et je suis las de vivre.
Amours, quel est ce mal? Que me torturez-vous?
Si le malheur m'atteint, que ferez-vous? C'est sûr,
Comme avant vous jouerez, sans coeur, aux osselets.
Asclépiade

LII
Tristes amants, l'auster propice aux matelots
M'a ravi Andragathe, une part de mon âme.
O trois fois bienheureux les bateaux et les vagues,
Quatre fois fortuné le vent qui l'emporta!
Puissé-je être dauphin pour que sur mes épaules
Je l'emmène voir Rhodes, île aux bénins garçons.
Méléagre

LVI
Le sculpteur Praxitèle a taillé la statue
D'Eros, fils de Cypris, dans un bloc de Paros.
Mais superbe immortel, Eros a aujourd'hui
Créé à son image un vivant Praxitèle.
L'un dispensant ses charmes au ciel, l'autre sur terre,
L'Amour règne à la fois sur les dieux et les hommes.
Cos, ville heureuse et sainte, a nourri ce divin
Et nouveau Cupidon, le prince des éphèbes.
Méléagre

LVIII
Trézène est aux éphèbes une bonne nourrice.
Point ne t'abuserais si tu y révérais
Le moindre des garçons.Mais Empédocle y brille
Entre autres fleurs vernales comme une jolie rose.
Rhianos

LXII
Vos fils sont beaux, très beaux, femmes perses. Et pourtant,
Aribaze est pour moi plus beau que la beauté.
Anonyme

LXIV
Zeus, prince de Pisa, couronne Peithenor,
Second fils de Cypris, au pied du mont Cronos!
Changé en aigle, ô Dieu, ne me l'arrache pas
Pour qu'il serve à boire au lieu du beau Troyen.
Si ma muse t'a plu déjà par quelque offrande
Permets que je m'unisse à ce divin garçon.
Alcée

LXXIV
Cléobule, à ma mort, - mes restes calcinés
Par l'amour des garçons, déjà, gisent à terre -
Répands du vin sur l'urne ; avant de l'inhumer,
Inscris-y, s'il te plaît, "Don d'Eros à l'Hadès".
Méléagre

LXXVIII
Si Eros, sans ailes, arc, ni carquois sur le dos,
Avait une chlamyde et portait le pétase,
Par le gracieux éphèbe, oui, j'en jure, Antiochos
Serait Eros et Erosserait Antiochos.
Méléagre

LXXXI
Tristes amants aux coeurs épris, vous qui connûtes,
En goûtant l'âcre miel, l'ardeur pédérastique,
Sur mon âme versez une eau froide, bien froide,
Neige à peine fondue. Certes j'ai eu l'audace
D'admirer Dionysios, mais, frères d'infortune,
Calmez ce feu avant qu'il ne m'atteigne au coeur.
Méléagre

LXXXIV
Hommes, secourez-moi! A peine issu des mers,
Mettant en terre un pied de marin néophyte,
De force Eros m'attrait : comme une flamme offerte
La beauté d'un garçon douce à voir resplendit.
Je marche sur ses traces imaginant en l'air
Saisir son doux aspect, tendrement je l'embrasse.
J'ai fui les âpres flots, sillonnerai-je en terre
Les houles de Cypris encor bien plus amères?
Méléagre

LXXXVI
Femme, Cypris incite aux passions féminines,
Mais Eros, lui, régit les amours masculines.
Céderai-je à la mère? Au fils? Je crois que même
Cypris dira ; "Ce galopin est le plus fort."
Méléagre

LXXXVIII
Deux amours tempétueux me consument, Eumachos,
Et je suis prisonnier d'une double passion.
D'une part j'ai du goût pour le corps d'Asandros
Mais l'oeil vif de Télèphe par ailleurs me fait signe.
Tranchez-moi en deux parts, placez-les, j'en suis aise,
Sur un juste fléau et tirez-les au sort.
Anonyme
XCIII
Les garçons constituent un dédale, une impasse :
Où que tu portes l'oeil, il est comme englué.
Théodore séduit par la force profuse
De son corps, par la fleur intacte de ses jambes.
Et voilà Philoclès, menu, ses traits brunis
Sont un charme céleste. Regarde Leptinès
Vois son corps, et tes membres demeurent retenus;
Tu restes en sa trace, un dur métal t'y rive
Car l'éclat de ses yeux rend radieux ce jeune homme
De la tête aux orteils. Salut, jolis garçons,
Puissiez-vous parvenir au printemps de la vie
Et puis vous recouvrir d'une blanche toison.
Rhianos

XCV
Puisque les Cupidons, la fragrante Peithô
Et les Grâces esthètes, ô Philoclès, t'adorent,
Prends Diodore en tes bras ; que chante devant toi
Le doux Dorothéos, qu'à tes genoux s'étende
Callicratès, que Dion échauffe dans sa main
Ton dard qui vise au but, qu'Ouliade le dégaine,
Que Philon te bécote et Théron t'entretienne ;
Pince sous le chiton le téton d'Eudémos.
Bienheureux, si un dieu te fournit ces plaisirs,
Quelle salade d'éphèbes t'accomoderas-tu!
Méléagre

CII
Le chasseur Epicyde est à l'affût des lièvres
Et file les chevreuils, affrontant des sommets
La neige ou bien le gel. Qu'on lui dise : "Oh voilà
Une bête abattue", il ne la prendra pas.
Ainsi va mon amour. Il traque ce qui fuit
Mais délaisse en chemin ce qui gît à sa prise.
Callimaque

CVI
Je ne connais en tout qu'une seule beauté,
Mon avide regard n'a qu'un but : voir Myiskos.
Je suis aveugle au reste et il est tout pour moi.
Les yeux sont-ils flatteurs, voient-ils pour plaire au coeur?
Méléagre

CXIV
Astre héraut du matin, salut! Et reviens vite,
Astre du soir, rendre en secret qui tu ravis!
Méléagre

dimanche 24 janvier 2010

AMOUR A COURRE

La reposée

Il est mon tout petit
Imberbe et mon si frêle
Que, dans mes grandes ailes,
Le crois calme et blotti ;
Dessous ma chair confite,
Il s'abrite et se glisse.
Il dort entre mes cuisses
A l'ombre de ma bite.

La billebaude

Ivre de procéder
A mes tourments de mâle
Sa chaleur jeune et pâle,
Il les sent bien céder
Contre sa peau vaincue
Dont le don point ne cesse.
Moi je dors sur ses fesses
Au calme de son cul.

L'empaume

Alors il me possède
Moi son grand bétail fauve
Et me voilà son pauvre
Joujou de Diomède.
De ma toison recuite
S'est fait une pelisse.
Il veille entre mes cuisses
En maître de ma bite.

L'hallali

Mes désirs se ravivent.
Feignant de se soumettre,
La pièce qui le fit naître
Il tranche à l'incisive.
Sa monture déchue
Faudra qu'il la dépèce.
Je gis entre ses fesses
A merci de son cul.

La curée

Il est mon grand veneur,
Il rassasie ses faims,
Se revanche et me vainc,
Il dépouille mon coeur
En fait sa proie. Un rite
Tend mon vit à son calice!
Il fouit entre mes cuisses
En dévorant ma bite.

samedi 23 janvier 2010

PEUT-ETRE QUELQUE CHOSE DES TERRES EN GESINE

Quand le pasteur perd pied au versant qui s’affole,
Sa songerie s’enraye et ses brebis se taisent ;
Il scrute les sommets où plane l’hyperbole.
Elles fouillent les ravins où niche son malaise.

Les ouailles et le berger aux rôles égarés
Cohabitent peut-être dans les reliefs amers
De tes grands paradoxes. Lave tes noirs secrets
Aux douceurs de mes mains qui te seront sanctuaire.

Peut-être quelque chose de la gaieté meurtrie
Des cailloux qu’en leur chant lavent, tannent et brisent
Les torrents du val d’Aure quand à grelots tu ris
Puis qu’un vol noir te fige où toute joie s’enlise.

Peut-être quelque chose de la convulsion fière
Éruptive et violente des montagnes qui germent
Lorsque offrant ton visage à mes rigueurs sincères
Tu m’adoptes pour maître et me remets les armes.

Peut-être quelque chose en toi de ces magmas
Malléables et fous qu’expectore en sa braise
Une ivre orogenèse quand à ton estomac
Le doute noue des lacs que nul contact n’apaise.

Peut-être quelque chose de l’âpreté des rocs
En toi qui s’élabore quand ton regard battu
Vient quêter le frisson dessous l’onde des chocs
Et l’avalanche bleue dessous mes poings obtus.

Peut-être quelque chose du périlleux chaos
De dénivellations qui d’écorce jaillirent,
En ton verbe fastueux, quand ton ardeur va haut,
En ton mutisme sec, quand ton humeur chavire.

Peut-être quelque chose en toi de ces crevasses,
Vertiges minéraux où s’affame la terre,
Lorsque pour rassasier tes entrailles tenaces,
Tu suscites mes flux, te repais de ma chair.

Tu es l’animal tendre qu’à ma baume les pics
De Néouvielle, de Tramezaïgues et d’Arbizon,
Après tant de traverses, de saisons chimériques,
Ont un soir amené, soir d’or et de blason.


*

Quand le meunier s’en va d’une allure rassise
Moudre au vent le grain dur d’une récolte riche,
Il revoit les étés de chétives remises
Où disette fut comble quand le blé se fit chiche.

Il connaît trop l’angoisse des greniers désertés
Pour se fier aux leurres d’éphémère abondance.
Le manque me fait peur. Offre-moi sans compter
La douceur de ta peau où je puise confiance.

Peut-être quelque chose de ces plaines à seigle,
Ligne plane des orges, enclume ou céréale,
Dont un frisson de vent n’incline point la règle,
En mon immobilisme immuablement étale.

Peut-être quelque chose en moi de ces semences
Uniformes et lentes qui mettent à germer
Plus de poids et de temps que n’en a la patience
Quand tarde une moisson qu’automne compromet.

Peut-être quelque chose en moi de ces épis
Qu’offre une canicule horizontale et mate
A l’aplomb sclérosé d’un soleil assoupi
Comme un comble de vie qu’en l’écrasant juin rate.

Peut-être quelque chose de ces clochers de pierre
Tyranniques et vains qu’érigent les églises
Sur les lignes de socs, quand mon corps désespère
D’assez te féconder, Sisyphe qu’on n’épuise.


Je suis la bête sombre que les flèches de Beauce,
Les clochers de Janville, de Chartres ou ceux d’Allaines,
Aux solaires amis sur qui tes jours s’adossent,
Un soir ont raboutée, soir navré de déveine.


*

Peut-être ai-je su voir aux éboulis de pierres,
Tes yeux accidentés aux impérieux espoirs.
La consomption des monts est tenace à tes chairs
Qu’elle écorche et avive quand des loups y vont boire.

Hélas, je n’ai pas su apprivoiser tes peurs.
Ta détermination aux exigences nouées
Cristallise en déni nos harmonies majeures,
Elle brise et saccage ce qu’amour a dévoué.

Peut-être le sais-tu, sous une plaine grouillent
Des hydres, des cerbères, des tarasques chtoniennes,
Des catoblépas fous. Le coma des gargouilles
Éclate de stridences quand les monstres adviennent.

Hélas, tu n’as pas su les tenir en respect
Et moi, pleutre, j’abdique aux Parques du vorace,
Aux chimères du manque et ne sais rescaper
Ce qu’amour a tissé ; mes frayeurs le fracassent.

Le meunier dissimule en sa fébrilité
Ses terreurs de néant. Et le pasteur cultive
Ses ferments prolifiques dessous l’oisiveté.
N’est-ce pour exaucer leurs douceurs effusives ?

La montagne a ses maux, la plaine ses douleurs.
Abolir leur distance, les mettre en résonance
De soubresauts intimes, de tourments et de heurts,
N’est-ce pour exaucer surrection de leurs chances ?

Car la géographie jamais ne se fourvoie !
Si par consentement improbable, inouï,
Et Beauce et Pyrénées d’exception se pourvoient
N’est-ce pour exaucer des cimes éblouies ?

Accordez, terre mère, accordez à ces hommes
Des sommets ou des champs l’alliance sans lésine,
La concorde des sols qui d’amour font la somme,
L’heureuse tectonique des terres en gésine.

VANITES ET VENETTES

Que ne suis-je une marmotte
En sa saison close et morte,
Là, pelotonnée douillette,
Sous couette d'entrailles quiètes?
Vive, vive la marmotte!
Qui tant dort n'est point idiote
Car dormir est une fête
Quand les jours vous sont venette.
Que ne suis-je une marmotte?

Que ne suis-je une bigote
Qui ses oraisons marmotte
Et patenôtres répète
Pour une foi qui s'entête?
Que louée soit la bigote!
A ces comptines dévotes
Faut bien qu'elle s'en remette
Car la vie tend à disette...
Que ne suis-je une bigote?

Que ne suis-je anachorète
Et bien propre dans ma tête :
Jamais un espoir n'y flotte,
Plus aucun désir n'y trotte.
Hourra pour l'anachorète!
Il a su faire place nette,
Fi donc les chimères sottes!
Le bonheur... sale marotte!
Que ne suis-je anachorète?

Oh! Que ne suis-je un squelette
Vide, blanc, sec et inerte?
A quoi sert qu'on nous fagote
D'humeurs vives qui sanglotent?
Hosanna pour le squelette!
Poignées d'osselets qu'on jette
Par jeu au vent qui grelotte,
A qui rien, plus rien n'importe!
Oh!Puissè-je être un squelette!

BALLADE DU BUVEUR DE BLANC

Dehors, j'entends ce soir
Paris rire à Paname,
Et rue de Rochechouart,
L'accorte lune acclame
Un joyeux mimodrame.
Mon cœur brassant l'espoir
Pour un Pouilly s'enflamme.
Verse-moi donc à boire.

Dans la nuit, j'entends choir
Les voyous sur leur lame,
Et la chair des trottoirs
S'infecter rue Madame
D'un crime qu'on diffame.
Mon cœur broie des mots noirs
Dans un vin blanc et clame :
"Verse-moi donc à boire ! "

J'entends l'aube pleuvoir
Sans qu'encore aucune âme,
Rue de la Tombe-Issoire,
N'accompagne mon âme
Nue que l'amour affame.
Ce n'est qu'un cru de Loire
Que mon cœur te réclame ;
Verse-moi donc à boire.

Cabaretier qui blâmes
Ma propension notoire
Aux vineux amalgames,
Verse quand même à boire.

BALLADE DU CUEILLEUR D'ANGES

Sur le pavé bleu de tes rues
Et ses ramages parquetés,
Sur tes façades parcourues
De vieux mascarons arrêtés,
Paris, fantastique cité,
Sur tes toits noirs de zinc qu'effrange
La lumière aux tresses teintées,
J'irai cueillir des ailes d'anges.

Sur vos précieux textes abstrus,
Vos noirs ex-libris contrastés,
Sur vos gardes aux bouquets drus,
Fleuries au peigne ou cailloutées,
Volumes par quelque âme hantés,
Sur vos reliures aux losanges
En plein maroquin biseautés,
J'irai cueillir des ailes d'anges.

Sur ton plein sein de paix recru
Où se réverbère l'été,
Sur tes hanches d'amour férues,
Tes reins au fier rebond sculpté,
Compagnon de mes voluptés,
Sur ton ventre qu'un duvet mange,
Herbe ténue de mon Léthé,
J'irai cueillir des ailes d'anges.

Vous mes trois passions, permettez
Que mes nuits en vos quiètes granges
Soient de mirages exaltées.
J'irai cueillir des ailes d'anges.

POUR UN CHANT D'AMOUR NEGRE

Tu es venu
Dans ma jeunesse,
Tu es venu
Y poindre liesse.

Nègre d’ambre et nègre d’or,
Nègre membre et nègre Adam,
Nègre d’amble et nègre fort,
Nègre fin et nègre enfant.

Tu es venu
Porte-sagesse,
Tu es venu
À maladresse.

Nègre orfèvre de ténèbres,
Nègre de fièvre à nous deux,
Nègre aux lèvres qu’on ne sèvre,
Nègre plèvre ivre à nos feux.

Tu es venu
Comble d’altesse,
Tu es venu
Battre prouesse.

Nègre noir à ton tambour,
Nègre au contre-jour d’un square,
Nègre un soir de tant amour,
Nègre aux atours d’un revoir.

Tu es venu
Faire promesse,
Tu es venu
Qui me délaisses.

Nègre beau, sexe à bonheurs,
Nègre leurre aux fleurs latex,
Nègre faux, sexe menteur,
Nègre ailleurs au cœur silex.

Tu es venu,
Ma proie d’aînesse,
Tu es venu
Que rien ne cesse.

Nègre d’ombre et nègre d’or,
Nègre flambe et nègre à dents,
Nègre cendre et nègre mort,
Semble nègre et nègre à blanc.

SOIRS DE 1982

Un espoir s'est voilé sur sa hampe d'albâtre,
Une rose a chanté les jours de flétrissure.
II pleut des larmes d'air, de sel et d'eau grisâtres
Dans le cours des torrents. Demain n'est pas bien sûr.

La voix rechantera aux calvaires du soir
Processions d'amour et rêves d'eau bénite.
Les promontoires d'or s'achèveront en noir :
Oboles du passé dont un destin s'acquitte.

Et toi, tu reviendras, sous tes paupières sèches,
Défaire la quiétude inquiète d'aimer.
Minuit aura sonné dans la chaleur grièche
Quand aux carrières d'ambre tu reviendras sonner.

Je t'ouvrirai la porte et la lumière brève
Dira si ton amour, un soir puis un matin,
Encor saura m'avouer la tendresse des lèvres
Ou bien reprendre en mains la fierté d'un dédain.

Le cyprès aux yeux tristes, accablé de désir,
Est mort. Et ma mémoire ressasse languissante
L'histoire d'un printemps à l'orée du plaisir :
Clairières de caresses où un bonheur s'augmente.


Mémoire ridicule dont les hommes se moquent :
Le cyprès s'est fané et ses yeux ne sont plus
Que de vagues reproches épars dans la voix rauque
D'un bloc de bronze pur que j'ai trop tôt connu.

La porte refermée, sous l'ombre des murs, danse
La sarabande niaise des jaloux sans fortune
Au cœur lardé de dots et de tristesses rances.
Et le spectateur rit ; des sanglots sur la dune.

Sur la dune de mort, un espoir lacéré
Claque misère longue en ses lambeaux livides.
C'est la risée des preux, des heureux et des muets
Ébahis d'avoir vu la nuit dans un cœur vide.

Avec eux, toi tu ris et tu oublies qu'un jour
Tu fus le cyprès et l'espoir du pauvre niais
Malade qui le soir se rappelle toujours
Tes serrements à l'âme au creux d'un même été.

Et le fanion s'est tu. Oripeaux du malheur
Se taisent de douleur sur la côte d'Armor
Quand comme un vol funèbre, le phénix du bonheur
Fuit le vieux continent où il sème la mort.

Puis tu t'endormiras, saoulé de plaintes veules
Timides et chétives. Et je m'endormirai
Sur un banc d'algues vertes, plus soucieux de celle
Qui dans ses torves antres a percé le secret

De ton sourire clair où se noie mon soupir
Que de celle-là qui a souffert pour que vivent
Les tortures arides d'un impossible empire.
Je suis une humeur noire à toute joie rétive.

Le saule dans ses branches lamente sa complainte
Et la confie peut-être aux frissons de la mer.
Dans la tourmente vogue, toute confiance éteinte,
Un navire sans mât qui n'a plus peur d'hier

Mais qui demain encor heurtera les rivages
Désenchantés du monde. Si tu l'as bien aimé,
Il te racontera la douleur de cet âge
Où le malheur empire à qui veut trop aimer.

Et moi, et moi, et moi!

Ma photo
Paris, Ile-de-France, France
Aède érotomane, mélancolique et blagueur.

MON MAIL

compteur pour blog

Membres